Reggae
Il est devenu, à la faveur de son succès international, un style
musical internationalement apprécié, porteur d'une culture qui lui est
propre. Le reggae est souvent lié au
mouvement Rastafari, lui-même né en Jamaïque.
« Il y a d'abord le
mento,
notre musique locale traditionnelle. Le ska, le rocksteady et le reggae
ont pris au mento le jeu à contretemps de la guitare rythmique, et
aussi certaines chansons transformées. Si on essaie d'établir des
relations entre les musiques, et de voir quelles continuités existent
d'une période à une autre, on peut isoler le jeu à contretemps de la
guitare, que l'on peut entendre dans le mento avec le banjo, le ska, et
qui correspond aussi au contretemps dans le rhythm and blues et en
particulier dans le piano
boogie-woogie.
C'est le
"beat"
entre les temps, c'est le Tin-Cutin'-Cutin' -Cutin', c'est le un ET
deux ET trois ET… Tu le retrouves dans toutes nos musiques, le reggae,
le calypso, le mento, la musique de la Martinique, de la Guadeloupe, tu
le retrouves dans le hi-life, mérengue.
De plus cette attirance vers l' "after-beat" se retrouve dans les
églises, avec les rythmes des tambourins, des claquements des mains… Une
grande part du mento provient de la musique populaire.
Mais nous avons aussi des traditions folk très fortes, qui pénètrent
dans la musique à différentes étapes de son développement. Par exemple
tu as la musique
Burru,
le tambour traditionnel africain sur lequel les gens font des chansons
sur les évènements locaux. Ces chansons sont celles qu'ils chantent en
creusant dans les champs, des
diggin'songs…
Linton Kwesi Johnson1. »
Le
reggae est apparu à la fin des années 1960. Il est le fruit de nombreuses rencontres et de métissages : évolution du
ska et du
rocksteady, il trouve ses racines dans les musiques traditionnelles
caribéennes comme le
mento et le
calypso, mais est aussi très influencé par le
Rhythm and blues, le
jazz et la
soul music (la musique américaine est alors très en vogue en Jamaïque).
À ces influences s'ajoute celles de musiques africaines, du
mouvement rasta et des chants
nyabinghi,
qui utilisent les tambours dérivés des cérémonies Burru
afro-jamaïcaines.
Ce métissage ne s'arrêtera pas là : aujourd'hui nombre de styles
s'inspirent, intègrent ou reprennent le style reggae de par le monde. Le
reggae est aujourd'hui une musique universelle, comme le souhaita son
principal ambassadeur,
Bob Marley.
Le terme apparaît en 1968 en Jamaïque, mais son origine est controversée. Il pourrait venir du mot d'
anglais jamaïcain, "
streggae", qui désigne une personne mal ou trop peu habillée, et de là, les prostituées
2;
ce mot aurait été modifié par une radio jamaïcaine de l'époque. Cette
étymologie est également fournie par le grand producteur de reggae
Bunny Lee qui l'explique au musicien et musicologue spécialiste de la Jamaïque
Bruno Blum dans le film
Get Up Stand Up, l'histoire du reggae3, précisant que les radios n'avaient pas aimé le mot péjoratif "streggae".
D'autres explications existent, comme celle qui en fait la contraction des expressions “
regular guy”, “
regular people”, en somme une musique faite pour “l'homme de la rue” (citation Bob Marley, interview
[réf. nécessaire]). Pour le chanteur Bob Marley, le terme aurait des racines espagnoles et désignerait la « reine des musiques » («
la musica del rey »)
4.
Selon d'autres sources, il serait la
contraction et l'altération du terme anglais «
raggamuffin » (littéralement « va-nu-pieds »)
5 ou peut-être de
rege-rege « querelle ». Autre hypothèse, « reggae » désignerait une tribu de langue
bantou originaire du
lac Tanganyika6.
Derrière toutes ces étymologies possibles, se dessinent les
particularités d'un genre musical fait d'héritages, de brassages,
d'appropriations et de confrontation à la dure et rugueuse réalité.
Enfin, dernière explication, le terme « reggae » découlerait de la
spécificité de son rythme - «
a ragged rythm» un «rythme déguenillé» ou «irrégulier» - comme le soutient le guitariste de studio
Hux Brown 7.
On ne peut pourtant s'empêcher de rapporter cette origine rythmique du mot "
râga"
8
en inde qui désigne des cadres mélodiques fondés sur les théories
védiques concernant le son et la musique. C'est certes probable du fait
de la main d'œuvre indienne arrivée sur l'île (qui a également influencé
de nombreux rites rasta : nourriture ital/végétarienne,
chillum/chalice, ...).
Tout aussi problématique est la question de la paternité du reggae en
tant que genre musical proprement dit ; paternité qui, contrairement au
rocksteady, est très controversée : certains attribuent le premier
disque de reggae aux
Maytals avec
Do the Reggay en août
1968.
Cependant, si Toots est certes le premier à utiliser le mot "reggae"
dans une chanson, d'autres morceaux au tempo un peu plus rapide que le
rocksteady ont déjà préfiguré le style au cours de l'année 1968.
D'autres compositions se disputent le titre de premier reggae, dont le
Bang A Rang de
Stranger Cole et
Lester Sterling (pour
Bunny Lee), le
Nanny Goat de
Larry Marshall et Alvin (sous la direction de
Jackie Mittoo, pour
Studio One), la première version méconnue du
Soul Rebel de Bob Marley parue chez JAD, et le
No More Heartache des
Beltones.
Pop-a-Top de
Lynford Anderson annonçait aussi en 1969 un nouveau style de rythme.
Cette première phase d'évolution du reggae, que l'on qualifie de
période du "early reggae", est caractérisée par un tempo plus rapide, et
l'accentuation du contretemps déjà présent dans le mento, le
ska et le
rocksteady.
Puis le
tempo
ralentira, la basse se fera plus lourde encore, mais le reggae gardera
cette base rythmique basse/batterie prédominante et ce mouvement
chaloupé qui lui est propre.
Lee « Scratch » Perry est également à l'origine d'un des premiers succès reggae de 1968,
Long Shot (interprété par les
Pioneers, avec les jeunes frères
Aston « Family Man » et
Carlton Barrett à la
basse/
batterie), où il utilise une rythmique reggae. Scratch travaille alors pour
Joe Gibbs et le quittera pour ne pas avoir été crédité pour son travail sur ce morceau
[réf. nécessaire].
Il reprendra cet arrangement de basse/batterie à son compte et en fera son
People Funny Boy,
un succès jamaïquain. en se lançant dans la production, avec son propre
label Upsetter (énerveur).
Scratch utilisera par la suite des pratiques innovantes qui
transformeront le reggae, comme l'introduction de bruitages (l'origine
du
sample). Il fondera également le légendaire studio
Black Ark où seront enregistrés, entre autres,
Bob &
The Wailers,
The Congos,
Max Romeo,
Junior Murvin.